Prénom Juanito
Dans la salle de bain, j'écoute la radio,
Mon petit enfant dort, prénom Juanito,
Ce soir, je l'ai promis, l'habit de mousquetaire,
Un camion de pompier, c'est son anniversaire.
Ma femme me regarde, arrange mon veston,
Elle me fait un clin d'oeil, me dit "pense au fiston".
On s'aime tous les deux et on aime la vie !
On se dit c'est jeudi, la semaine est finie.
J'ai parfois réfléchi que j'aurais pu, c'est vrai,
Naître bien loin d'ici quand le monde croulait ;
Ce jour-là à New-York, en un onze septembre,
Les deux Tours s'effondraient de la lumière à l'ombre.
Moi je ris, suis heureux et je suis insouciant,
Je remercie les cieux qui m'ont donné enfant,
Une femme jolie, une maison que j'aime,
La santé, un travail, et puis je suis bohème.
Me rasant ce matin, je me suis dit aussi,
Que je m'habituais aux bombes de Bali,
Quand, à Jérusalem, un bus se déchiquette,
Qu'on explose des corps, plus de pied ni de tête…
Je vais être en retard, vite un dernier baiser,
À ce soir mon amour, je vais me dépêcher.
Madrid est un peu gris quand on arrive en gare,
Il est sept heure trente, une impression bizarre.
Soudain la fin du monde et soudain c'est l'horreur,
Le feu, le sang, l'acier et les cris de douleur,
Moi je ne sens plus rien, un nuage qui plane,
Pourquoi donc en mon corps le métal me profane ?
Et que font tous ces gens qui hurlent ici-bas,
Mais là, c'est bien mon crâne et plus loin, c'est mon bras
Je filme tout d'ici, serais-je cinéaste ?
Tiens certains m'ont rejoint, une pièce en un acte ?
J'essaie de crier mais aucun son ne sort ;
Qui va dire à mon fils que son papa est mort ?
Il attend ses cadeaux et, ultime brûlure,
Il recevra ce soir juste ma sépulture.
12 Mars 2004
Attentat à la gare de Madrid, 220 morts plus de 1.000 blessé
Des messages épars qui aussi auraient pu faire un poème,
Mais juste en citer un, égrainé par la foule:
"Il ne pleut pas, c'est Madrid qui pleure",
"Nous sommes les larmes de 200 personnes",
"Nous étions tous dans ce train".