Deux tables dans la salle implorent qu'on s'accoude. La prime a de beaux yeux, deux chandeliers qui boudent, Quand transparente et nue, la seconde s'exhibe.
La première est en chêne, un vieux chêne massif De fleurs aux parfums clairs qui étalent, lascifs, Les souvenirs d'antan que sa consoeur inhibe.
En a-t-elle vraiment ou les déssèche-t-elle, Tel ce bouquet fané qui gîte sans attelle Et qui n'existe pas sur sa peau insensible ?
De désordre, aucun signe, aucun brin de poussière Pour ridiculiser la pose solennelle Du plastique immobile agressant la lumière.
On n'en peut dire autant de sa folle voisine Dont les débris épars par pleines caravelles Déroulent la légende emplissant sa poitrine.
De la danse et des chants ont garni cette table, Scandés par les pieds fins d'une souple gazelle, Bien loin du verre aigri servi au connétable.
Il suffit de souffler pour animer les fables, Qui y colle l'oreille entend son chuchotis Mais lui n'y entend rien, beugle "meuble vieilli".
Oui, lui, ce vil marchand, cet animal d'étable Prétend que de la roue l'âge efface le charme, Le hurle car il croît qu'éventer du vacarme
Le peut rendre crédible ; il me dit "l'autre table A la cote aux égoûts du mauvais goût tendance." Moi d'asséner : "je prends celle des deux qui danse."