Cyrano de Bergerac
Tout fier, le pif au vent, assis chez Raguenaud,
Un homme composait, en chatouillant la muse,
De son nez, oh ! pardon... oh ! pardon , je m'excuse,
De son illustre nez. C'était bien Cyrano.
Cyrano Savinien, enfant de Bergerac,
Issu du Périgord, des flots de la Dordogne,
Belliqueux, plein de fougue, à l'Hôtel de Bourgogne,
Il était passé maître et dieu du tic au tac.
Loyal honnête, franc et toujours sans louis,
Fanfaron tant soit peu, comme un gascon doit l'être,
S'enivrant de bravade à l'odeur du salpêtre,
Il tirait son fleuret, pour des nons, pour des ouis.
Sur le champ de carnage, il était un lion,
Tout recouvert de sang à l'assaut des murailles,
Stimulant ses cadets, il bravait les mitrailles,
Mais pensant à Roxane, il devenait mouton.
Que de fois, une larme, en sillonnant son pif
Séchait avant d'atteindre une seule virgule
D'une page traitant de lune ou canicule ;
Il regardait ce nez d'un oeil vindicatif.
Cette larme effleurait cette puissante horreur,
Et venait se tarir au milieu de sa course,
Il aurait tant voulu l'arrêter à sa source !
Ah ! c'est trop disait-il avec un ton d'aigreur.
Dessiné sur le mur, il voyait son profil
Qu'il disait que c'était un perchoir d'hirondelles,
Pour fuir à ce spectacle, il soufflait les chandelles ;
De son visage moite, il cachait ce nez vil.
Son feutre de travers, il se levait disant,
Mû par un saint courroux : " Des beaux traits de ton maître,
Tu détruis l'harmonie, ah ! rougis donc oh ! traître,
Non, non ne rougis pas, tu deviens repoussant. "
Christian Cally.
1946-2001.