Le Chêne
Quand la lune, le soir, sous son manteau d'étoiles,
Me trouve, triste et seul, sur l'herbe où je m'étends,
Quand la sombre nature, élargissant ses voiles,
Protège ma douleur ; tout doucement j'entends,
Couché sur le gazon, en l'arrosant de larmes,
Le chêne majestueux, communiant avec moi ;
Il m'ouvre ses grands bras pour chasser mes alarmes ;
Son geste paternel remplit mon coeur d'émoi.
Plein de sollicitude, il abaisse sa tête,
Ses bras, si bienveillants, caressent ma douleur,
Qui fait saigner mon coeur et lâchement me guette,
Pour supprimer d'un coup mon souffle et mon malheur.
Tu engendras un grand mirage de tendresse,
Qui me plongea le coeur dans l'amour sans issue ;
Sans avertissement, de ta main vengeresse,
Tu brisas cet amour d'un seul coup de massue.
Ô chêne magnanime,
Arbre, plein de douceurs,
L'amour que tu ranimes,
Soulage mes rancoeurs.
Ta présence imposante,
Apaise mes douleurs,
De ta main caressante,
Tu balayes mes pleurs.
Ce chêne, qui m'abrite et veille sur mes rêves,
Recouvre d'un manteau de feuilles mon corps las ;
Je m'assoupis, confiant, pour quelques heures brèves ;
Le gazon généreux me sert de matelas.
Pendant mon bref sommeil, agité, rempli d'ombres,
La lune, au firmament, termine son séjour,
Et déjà les cieux noirs perdent leurs couches sombres,
Pour céder leur empire à la lueur du jour.
Sur l'arbre protecteur, la fauvette compose
Sa sonate à l'aurore et son hymne au soleil ;
Le ruisseau, dans la plaine, en chantonnant, dépose
Son limon sur les champs assoupis de sommeil.
Soudain l'aube se fige, et le soleil se glisse,
Derière de nombreux nuages menaçants ;
Le ciel est sillonné par des feux d'artifice
Qui génèrent, partout, des bruits assourdissants.
Le ciel s'ouvre et déverse,
Un déluge furieux,
Un grand éclair traverse,
Et balafre les cieux.
La foudre tombe et perce,
L'arbre majestueux,
Qui craque et se renverse,
Avec un bruit affreux.
Cet arbre centenaire,
Qui gît, là, sous mes yeux,
Fut mon seul partenaire ;
Je lui fais mes adieux.