Les Oubliés
Je marchais lentement, un soir de pleine lune
Sur la plage voisine, avant d’aller dormir,
Dans ce silence sourd, j’écoutais le soupir,
Des vagues qui venaient, à mes pieds, s’evanouir,
Et puis se retirer, en sourdine, une à une.
La lune, sur les flots, cabriolait joyeuse,
Ses paillettes brillaient, comme des diamants,
Chevauchant, tour à tour, les flocons écumants,
Qui roulaient follement en petits sauts charmants,
Et se brisaient riant, sur la plage rocheuse.
Tout autour de la plage, un tas d’algues marines,
Recouvraient les rochers de multiples couleurs,
Une forte odeur d’iode exhalait ses senteurs,
Qu’on dit qu’ils ont des dons curatifs, bienfaiteurs,
Mais qui, souvent, pourtant assaillent les narines.
C’est cette forte odeur qui dirigea ma marche,
Vers le vieux pont piéton au delà d’un rocher,
A petits pas, j’allais, hésitant, m’approcher,
Quand je vis ce corps nu, venir se détacher,
D’une vague venant s’échouer sous son arche.
La semaine dernière, une vieille carcasse,
Cent clandestins à bord, hommes, femmes, enfants,
Au large de la côte, coula sans survivants,
Tous fuyaient leur pays, leur peur et leurs tourments,
Espérant un asile, ils périrent sans trace.
Cette apparition, fit frissonner mon âme,
Ce corps déchiqueté, bouffi, faisait horreur,
Ce tout petit enfant mérite un sort meilleur,
Que de périr ainsi comme un souffre-douleur,
Pour tous ces rescapés, que tout le monde blâme.
Gardant l’anonymat, j’avertis la police,
Je les vis arriver, avec un grand convoi,
J’étais bouleversé, mon coeur en désarroi,
Mes yeux remplis de pleurs, je me rendis chez-moi,
Pensant aux clandestins, accablés d’injustice.
Je crois qu’on a tiré le rideau sur l’affaire,
C’est très embarrassant pour les autorités,
Ils ont tout étouffé de ces atrocités,
Ces pauvres naufragés resteront incomptés,
Les médias sont resté sans aucun commentaire.
Christian Cally
2 Août 2003