Profitant d’une trêve de bavardage Et d’un instant de silence Qui pouvaient être fatals Une langue trop longue Aux paroles blessantes Violant les bonnes consciences Dans la nuit s’est pendue.
Au petit matin gris Un batelier l’a retrouvée Dans le canal de l’Ourcq Recroquevillée et pâle Sous les dents trop longues D’une bouche géante Flottant entre deux eaux.
Quel étrange berceau Que les herbes d’un canal Quel lancinant refrain Que le lent clapotis de ses eaux Pour cette bouche béante Aux lèvres incarnates et sensuelles Encore palpitantes de vie.
Cette bouche qui n’a pu ranimer La curieuse bête aquatique Mi serpent aglyphe Mi escargot géant Morte noyée A une encablure de la berge Si proche du passage de l’écluse.
Cette bouche jalouse Qui savait trop aimer Et chanter l’amour Au fil de l’eau Avec pour seul messager L’infatigable agrion bleu Aux ailes d’acier.