dans l'ombre humide d'une rue étroite, là où le soleil, craintif, jamais ne vient, là où les heures passent, se remplissant de riens, elle attend en fumant, et se tient toute droite...
elle attend un amant et n'aimera jamais : en se faisant aimer, elle a donné son corps pour que quelques ennuis se figent, comme morts, pour que quelques bourgeons fleurissent, comme en Mai.
des hommes, elle en a eu, qui ont labouré ses chairs, qui ont écrasé ses membres et baisé ses deux seins, qui ont épanché en elle leur venin de besoin, et qui se sont enfuis, en lui crachant sa chère !
demain est devenu un mot vide de sens, et ses yeux n'ont jamais leurs couleurs d'autrefois... quand elle lève la tête vers le ciel gris des toits, elle voit sa misère couler comme du sang !
et, quand vient l'heure enfin de quitter ces tourments, de quitter cette vie qu'ell' ne vit que par faim, elle rejoint sa chambre "ennuitée" de parfums et s'endort, en rêvant parfois comme une enfant...