Mon beau merle, sais-tu, je suis triste ce soir. Du grand noyer qui tend ses branches vers le ciel, De la cheminée fine, rature artificielle, Un inquiétant silence flotte sur tes perchoirs.
Mon merle sous la lune accompagnait nos nuits Invisible et sonore du haut du grand noyer, Ses mélodies flutées gaillardement fuyaient Vers la clarté fragile de l’astre de la nuit.
Nous aimions t’écouter beau merle quand, solitaire, La gorge encor fébrile de trilles enfiévrés Tu écartais au loin tes semblables sevrés Pour régner un moment sur ta nichée lunaire.
Notre vie suspendue, le temps comme aboli, Ô qu’elles étaient légères sous la voute sans bord Nos âmes qui flottaient en oubliant leur corps Portées par l’harmonie de trilles accomplis.
Nous étions amoureux et tu nous enchantais. Tes harmonies célestes, comme des dons des cieux, Protégeaient nos amours que nous savions précieux Et fragiles aussi, captifs d’un temps compté.
Mon merle a disparu et son trille n’est plus Puis tu t’es enfuie sans que j’y prenne garde Et mes songes, orphelins de trop de nuits qui tardent Sont la caricature de temps qui ne sont plus. Ton sort m’a échappé, ma vie s’est enlisée, L’espérance envolée comme l’oiseau chanteur M’a laissé orphelin au sortir du bonheur, Face à ce sort sauvage et qui m’a terrassé.
Ô chère, j’ai vu ta vie s’écouler goutte à goutte Au travers de nos cœurs, prêts pour l’éternité Des bonheurs anciens que le merle chantait, Tandis que les souffrances te noyaient dans le doute.
Ton âme vole au loin, m’oubliera-t-elle un jour ? Sombre et mélancolique je parcours sans but Un monde sans futur où ma foi au rebut Oublie toute espérance, ne gardant que l’amour.
Ô chère tu n’es plus, et mon merle est ailleurs Je n’ai su retenir ni ta vie ni ses chants. Et dans votre royaume qui est comme un néant Vos absences ont signé la fin de mon bonheur.