l'Arbre de Vie
Par-delà les montagnes, par-delà les forêts,
Mon regard s'est posé sur ce monde arbitraire;
Au bout de ces routes, ces chemins arpentés,
Une colline verdoyante; un seul propriétaire.
Plus que centenaire, un chêne majestueux,
Aux racines rassurantes, ancrées solidement,
Telles des doigts de géant longs et vigoureux
Caressant, délicatement, un sein consentant.
Une voix, un murmure, un appel au repos,
Parvient à mes oreilles, porté par le zéphyr,
M'adjurant de venir, appuyer mon vieux dos,
Contre l'accueillant maître de ce petit empire.
Me laissant bercer entre ses bras rassurants,
Bordé de cette agréable douceur de l'herbe,
Le sommeil m'a surpris et souvenirs d'antan
Sont venus balayer mes pensées acerbes.
Je revois mon pays, celui de ma jeunesse;
Mes onze ans et cette insolente assurance,
D'une joie de vivre aux élans de hardiesse
Que possédent les enfants nés outre-France.
Pays aux plages bordées de généreux palmiers,
Où Marseille est pour nous une ville du nord,
Ce sable fin à dix heures qui te brûle les pieds,
Une mer aux reflets d'argent et constellée d'or.
Au parfum des galettes cuites au feu de bois,
Se mêlent ceux de l'anisette et du mimosa,
Les senteurs de l'Orient, flânant sous les toits,
Te rappellent que l'Eden existe, qu'il est là!.
Les sons d'une musique rythmée et envoûtante,
Ou les prières, émanant du haut d'un Minaret,
Se mêlent à la musique des années soixante,
Annoncent une ère nouvelle, une fin de paix.
Des vieux en gandouras et chèches immaculés,
Visages défigurés par des pleurs sincères,
Amis, pères et mères de nombreuses années,
Accompagnent notre départ pour une autre terre.
Une Marseillaise fanée, aux sanglots militaires,
Derniers sons qui hantent mon esprit d'enfant,
Surpris d'apprendre qu'il n'était que locataire,
D'une patrie qu'il fuit, pour un autre continent.
Souvenir impérissable, bien lourd à porter,
Qui transforme un gamin en un adolescent,
Mutation rapide, le temps d'une traversée,
Vers un destin inconnu, une vie d'autrement.
Longuement j'ai erré, recherchant mon chemin,
Marqué, comme un paria, un homme déraciné,
Jusqu'à trouver cet arbre qui depuis ce matin,
M'offre une nouvelle vie, empreinte de sérénité.
© Christian Ventre de la Touloubre