La Cupidité et l'Amour
Un homme d'âge mur, par les ans consommés,
De prendre femme pour retrouver jeunesse,
Se mit en tête, un beau jour de marché,
Vie l'ayant laissé veuf, ressentant vieillesse.
Confiant son désir, à son chef métayer,
Nouvelle aussitôt, se mit à courir le village,
Maître dos tourné, fusaient déjà les quolibets,
Entendu que l'épouse serait à peine d'âge.
Dans le bourg voisin, un couple de fermier,
Ecrasés par la peine d'une terre réfractaire,
N'ayant pour seul bien qu'une fille à marier,
S'enquirent sur le besoin de ce propriétaire.
Avec grand soin, mère Martin, prépara sa fille;
Rien ne fût négligé pour cette grande occasion,
Beauté mise en valeur, envolées les guenilles,
Equipage se mit en route, dans le vieux charreton.
Route faisant, parents occupés par l'avenir
Avaient omis de prévenir leur gracieuse;
Enfin lui touchant mot de l'affaire à venir,
Ne réagit!; tout!, plus que ferme ennuyeuse.
Famille, enfin rendue, au bout du pèlerinage,
S'enhardit d'affronter la porte de ces lieux;
Deus ex machina!, s'attendant au jeune âge,
La nubile fût surprise à l'apparition du vieux.
Le temps des palabres la gamine se tint coite,
Le père vendant au vieillard, état, déjà acquis.
Le bonhomme, scellant pacte de main moite,
N'avait d'yeux que pour la belle, était conquis!.
Noces, furent arrangées, pour dans deux mois de temps.
Le nanti, impatient de consommer ce jeune hymen,
Fût obligé d'attendre son dix-septième printemps,
Laissant la promise se remettre de cette scène.
Résignée, par le choix de l'époux imposé,
Impossible de contredire le veto parental,
La nymphe résolut un jour de se venger,
Avec un jeune berger pour commettre, fatal.
Durant tout le temps, menant aux épousailles,
S'initièrent tout deux aux délices de l'amour,
Se contant fleurettes, se roulant dans la paille,
Arrivant ainsi au cinquante-neuvième jour.
De leurs jeunes corps mêlés aux méandres du désir,
La nuit passée à rêver, aux instants de bonheur,
La trouva à onze heures, entrain de faire bénir,
Une union sacrilège qui lui fait déjà peur.
L'ancêtre, trop occupé, aux joies matrimoniales,
Buvait, riait, S'empiffrant de mille victuailles,
Pendant que se raillaient les convives du natal,
Eut raison de lui, le pilon d'une caille.
La jeune veuve, puisque le jour même, l'affiche,
Ignora ses parents, les congédiant sans regrets,
Hérita de tous les biens et se trouva très riche;
Année de deuil passée, épousa son berger.
Respect de la morale, transmise avec le temps,
Certain que toute fable, en possède une, au moins,
On ne peut allier jeunesse, vieillesse contre son gré;
Cupidon, heureusement, veille toujours dans un coin!;
Et même, si l'argent fait défaut, on ne peut sacrifier,
Le bien le plus précieux qu'est l'amour d'un enfant
© Christian Ventre de la Touloubre