Je me sens plus vieux que les mornes décombres Des palais taciturnes aux couloirs glacés Où se sont inéluctablement effacés Les vivants, devenus de misérables ombres. A l’instar de ces ruines peuplées de spectres Que ne célébrera plus les cordes d’une lyre Dont les cordes ne vibrent plus avec les plectres Successifs dans le mutisme de ses soupirs, A l’instar de ces constructions que le temps Engloutit à travers son appétit vorace, Les marque depuis longtemps à tous les temps De son indélébile et corrosive trace, A l’instar de ces blocs imprégnés de poussière Et usés par les chagrins hasardeux du ciel Aux nuées ténébreuses, pleines de fiel, Empreintes de rage pour la chose grossière, A l’instar de ces sculptures agonisantes, Perdues au sein de la végétation Ornée d’épines et de fleurs florissantes Qui jouent avec elles par déprédation, Je suis riche d’une multitude pléthorique De souvenirs divers qui hantent ma mémoire Aussi vaste que la mer à l’amère moire Et qui ne sont point dignes de la rhétorique. Un château aux oubliettes épouvantables, Au donjon vertigineux, aux créneaux tombés Occulte moins de secrets sous ses toits plombés Par le temps que mon être aux lacis redoutables. Je suis le souvenir d’un arbre, d’un tronc verdâtre Et vermoulu dans le coin reculé d’un bois Où se hasarde parfois le vent aux abois, Un figuier pourri que ne brûlerait l’âtre, Un reste de végétal aux branches cassantes Où gît tout un bouquet de feuilles séchées Parmi les ombres humides et alléchées Par les fragrances putrides et harassantes. Rien ne rivalise en longueur avec le jour Boiteux, lorsque sous le manteau blanc des années L’ennui sur les réminiscences surannées Rampe en sifflant et se love dans mon séjour. Désormais je ne suis qu’une ombre environnée D’une vague terreur dans cet endroit perdu Où ne s’aventure la clarté chevronnée Au sein de laquelle je me trouve éperdu.