Je suis né de la pluie, du brouillard, de la bise, Des terrils dégueulés par la mine au grisou, D’une terre éclairée par un ciel bleu-gris où Le clocher du beffroi narguent ceux des églises
Je suis l’accordéon ou le chant des chorales, Qui jouent en sol mineur et en l’ut ouvrier Le métal rougissant des hauts fourneaux d’acier, Qu’accompagne une clique à fanfare et cymbales
Je suis la barricade, amie de la justice, Colère de la rue grondant sous le pavé, Un homme ou une femme avec le poing levé, Demandant au mépris de signer l’armistice
Je suis, l'estaminet où l'on va en famille Le soir se réchauffer au coin de l'amitié, Je suis la braderie, ducasses du quartier Où l’on flingue une fleur pour épater les filles.
Je suis du fond d'la cour où la chanson résonne, Où le mur rouge pleure une fumée fusain, Où toute la tablée, les copains, le voisin Veulent la “Calomnie” que Papa barytonne
J’ai perdu mon accent, déjà, depuis longtemps, Mais pas le souvenir De ce petit garçon, voyant ses grand-parents Danser, chanter et rire.