La Placette
Quand je t’ai annoncé où il fallait que j'aille
Tu m’as dit : “N'y vas pas ! Ce sont tous des gitans.
Tous des voleurs de poules et vendeurs de ferraille
Ils vont te dépouiller, te piquer ton argent.”
La placette somnole à l'heure de la sieste.
Aujourd'hui, il fait chaud et le vent qui mistrale
Fait frémir le platane, invite à aucun geste,
Tornade la poussière au doux chant des cigales.
Je suis venu m’asseoir sur le pas de ma porte.
À l’ombre, les yeux clos, j’écoute le palabre
D’un oiseau qui s’agite et du vent qui m’apporte
Le parfum du jasmin qui grimpe au creux d’un arbre
Passe l'après-midi. La douce somnolence
Se réveille tranquille au son de la pétanque.
Quelques vieux ensuqués se sont fait violence
Pour venir s'assurer qu’aucun ami ne manque.
Comme une belle-élégante, comme dans un murmure
La nuit vient se poser quand l’ombre s'évapore.
Comme on fait par ici, avec grande mesure.
Surtout sans se presser, avec le moindre effort.
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C’est entre chien et loup que naissent les beaux rêves.
Deux enfants dans un coin jouent au bel art du mime.
Je m’assois sur un banc, de là, je les observe.
Il devient le héros des arènes de Nîmes.
Elle lui danse autour, la Carmen de Séville.
Ses yeux sont de la braise échappée d’un brûlot.
Sur la pointe des pieds, il plante banderilles
Matador pantomime, il est Escamillo
La fête se prolonge aux “clacs !” des castagnettes
Et personne ne voit que la nuit se fait tard.
Le temps a disparu, au creux de la placette,
Au son intemporel des accords de guitare
Aux abords de la place ; j’ai passé trois semaines ;
Vu des cons comme nous, et d’autres admirables ;
Vu des gens comme nous, qui s’engueulent, qui s’aiment ;
Des parents comme nous, des enfants adorables.
Tel le chien, tu aboies quand passent leurs roulottes.
Imagine, un instant, ton pays qui vacille
Sous les flots déchaînés ou le bruit sourd des bottes
Et la foule qui hurle et te refuse asile.
Tu m'as dit : “ N'y vas pas, tu verras la gitane,
La main, elle te prend et quatre sous te quête
Pour dire un avenir fait de châteaux d’Espagne.
Incrédule ignorant, tu croiras ses sornettes.”
Mon ami, j’ai bien fait de ne pas croire les tiennes.