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Codaraque Lavekrep

Le Chêne et Le Prisonnier

L’homme qui vient vers lui se sent si fatigué
Que sans rien demander, il se couche à son pied.
Au loin, la terre tremble et l'horizon se zèbre.
Il n'attendra pas seul la venue des ténèbres.

En place du béton, du klaxon des voitures,
De la crasse des rues et des noires toitures
Il y a bien avant, Il y a bien longtemps,
Un chêne de cent ans, au milieu d’un grand champs
Abritait les amours des enfants du quartier
Curieux d'enfin savoir comment se marier.
À grands coups de couteaux l'amoureuse jeunesse,
Les apprentis amants de première tendresse
Laissèrent pour toujours, sur son vieux corps, gravés:
Flèches de cupidon dans coeurs entrelacés;
"Je t’aime pour toujours”; lettres qui s’additionnent;
Et tous les mots d’amour dont la terre résonne.
Un mot, même d'amour, peut vous saigner à blanc
Fissurer votre écorce, vous mettre sur le flanc.
On le laissa périr seul au milieu des fleurs
Et puis on oublia le chêne au mille flirts.

Par un noir soir d’été, on vit un prisonnier
De souvenirs perdus se coucher à son pied.
Un orage venu du bout, du fond des âges
Vint les déraciner… Les tirer de leur cage.
La vraie mort c'est l'oubli…
Oublier c'est mourir.