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Constance BELMONTE

Le Dégoût

Est-il possible que le dégoût de soi soit tel
Qu’on veuille en mourir ?
Est-il possible que le dégoût de l’autre soit tel
Qu’on veuille l’anéantir ?
Est-il possible que le dégoût que l’on ressent
Chaque jour passant pousse à haïr ?
Mourir, anéantir, haïr, vomir, pour oublier
Car justement, on ne ressemble plus

Celui qui a choisi de vivre, sciemment
Aura plus de mal à mourir
Celui qui a choisi d’aimer, sachant
Ne saurait anéantir
Celui qui a senti humble et confiant
L’infiniment petit de son être
Sous la voûte étoilée d’un désert de mai
Celui qui a reconnu en la lune une alliée,
Une confidente, une sœur, ne peut pas longtemps haïr

Mais alors comment chasser ce goût de néant,
Cette amertume qui vous assaille
Vous brûle corps et âme lentement,
Brouille vos repères, vos croyances, vos promesses de vie
Celles que vous croyiez abject naïf
Hier encore inébranlables ?

Cette bile infâme qui vous tord les entrailles
Cet engourdissement des sens toujours plus pesant,
Ce voile mesquin qui enveloppe vos jours
Alors que vos nuits n’ont plus rien de paisibles
Alors que vous priez les dieux et l’Olympe tout entière
Pour retrouver le sommeil blanc et frais des enfants ?

Comment se défaire de cette morsure,
De ce poison ardent qui lentement vous berce,
Amarre à votre rive la barque de néant ?
Comment faire fi de ce temps qui stagne
Où tout se succède sans rythme aucun
Tel un long et sourd hurlement ?

Comment faire taire cet appel de la terre
Sur laquelle un jour vous vous plaisiez à jouir
Emoustillé par le parfum du jasmin
De l’herbe fraîchement coupée ?
Cette terre sous laquelle
Vous voudriez maintenant disparaître
Pour ne jamais renaître ?

Cette fange immonde, malodorante et corrosive
Dans laquelle vous n’avez d’autre choix
Mais que de vous vautrer ?
Dégoût de soi, dégoût de vous,
Dégoût de tout, dégoût de tous

Envie de frapper ceux qui osent le bonheur
Envie récalcitrante d’avaler ceux qui se risquent à rire
Envie de leur jeter à la figure le mal être
Cette évidence qui devrait aussi les ronger
De cette envie renaîtra alors l’élan de vie ?