Il n’a pas eu le temps de vivre tout son temps, Lui qui croyait encore aux lointains horizons, Rien qu’une main pourvue d’acérés aiguillons, Au souffle du néant, coupa court à ses chants.
Il n’a pas eu le temps d’éteindre tous les feux, Car le froid l’a saisi dans ce torrent de lave En figeant sous les flots où baignait son étrave, Tous ses renoncements annonçant des adieux.
Il n’a pas eu le temps de voir filer les heures Car, au bout du chemin, venu de l’Orient La menace endémique au couperet tranchant Est venue le faucher, n’apportant que malheurs !
Il n’a pas eu le temps d’échapper à ce vent Attisé par la mort et nourrie par ses peurs, Car ses émanations aux faisandées odeurs Lui ont empoisonné toutes ses vies d’avant !
Il n’a pas eu le temps de faire ses adieux, Car le rayonnement de ce flux délétère Lui a brisé les os dans ses griffes austères, Tout en écartelant du firmament les cieux.
Il n’a pas eu le temps de revoir le printemps Qui s’épanouissait jadis dessus sa terre, Car la rosée salie par un sang mortifère Recouvre désormais tout ce qui fut son chant.
Et la peur, en nouant le fond de ses entrailles, N’a épargné en rien l’incertitude noire Où chacun de ses pas, empli de désespoir, Le poussa aux moissons de perfides semailles !
Dans ces champs inondés de sanglots salvateurs Il ne pourra chasser l’amertume et les armes, Pour qu’il puisse à nouveau tarir toutes les larmes Et que revienne alors un semblant de bonheur.
En noyant sous la pluie les ombres du souffrir, Cicatrisant les plaies et leurs éclaboussures, Ce soir, il a rendu son tout dernier soupir, Et s’estompe à jamais l’éclat de son armure !