J’aimerais restaurer les primaires images Qui me montraient jadis les maisons, les visages ; Les ravines du temps ont chassé mon passé Et les atermoiements de mes frissons passés.
Le brouillard revenu telle une délivrance M’accorde l’accalmie en toute indifférence, Celle dont j’ai pâti, subie et refusée, Et, sans désemparer, cherché à éviter !
Aujourd’hui libérée : ni remords… ni envies Ne viennent me voler les grâces de la vie : Je goûte à la beauté émouvante éternelle Ineffable, sans fin, mythique et irréelle.
Glanant nonchalamment les fruits de chaque jour, Je marche pas à pas, évitant les détours, Les dangereux lacets ourdis par la vieillesse Qui doctement agit pendant que je délaisse
Dans un coin grillagé, réunis par magie, Les émois amassés, abondants, innombrables Bien à l’abri du temps ; je suis moins vulnérable Quand, au détour d’un mot, l’un d’eux fuse et jaillit
Entre euphorie, enfer, pétrie de poésie, Ma mémoire s’attarde incertaine et affable, Revenant un instant à la source ineffable En surprenant mon cœur qui bat au ralenti.
Un jour à l’infini, l’oubli fera bombance Et je ne saurai plus feinter, ni rire encore, L’univers me perdra avec outrecuidance Et me condamnera sans que je sache alors
Que je ne serai plus ouverte à la beauté, Ni aux rayons ardents transfigurant les choses, Eclairant les couleurs jusqu’à la volupté, Faussant tous les tableaux… mais sublimant les roses.