Ailleurs
A Félix Leclerc,
Si tes « souliers » à toi « ont beaucoup voyagés »,
C’est le Vent qui poussa mon bateau sur l’Ecume,
Sur la Mer, j’ai vogué d’Atlantique en Egée,
Pendant que tu marchais, piétinant le bitume.
Nous avons, tous les deux, contemplé les Comètes,
Toi, de ton banc de pierre et, moi, de l’Océan,
Lorsque je goûterai à l’Hiver des Poètes,
Je te retrouverai, étoile au firmament.
Je n’ai pas de mémoire, n’ai pas de passé,
Je n’ai pas de clocher, ma patrie c’est l’autan ;
Mon bateau essoufflé aimerait accoster :
Mon foyer est ailleurs : devant, toujours devant.
Mon berceau ? Cette dune où se perdent mes pas,
Où je glane l’espoir à l’écume de l’âme,
Où je sème l’amour, moissonnant ça et là,
Pour que sèchent les pleurs ou s’éteignent les flammes.
Au-dessus du chaos et d’îlots en nuages,
Sillonnant les chemins, les sentiers de ma mer,
Sous un soleil blafard ou des cieux sans ramage,
Je m’invente un ailleurs loin des courants amers.
Mon ailleurs c’est le ciel, mon ailleurs c’est l’étoile,
En automne, en été, au printemps, en hiver,
Les embruns d’océan, c’est le vent dans les voiles,
Mon logis est partout : ma maison, c’est la mer.
Un jour, je quitterai cet ailleurs que j’adore,
Et mon ancre rouillée pourra enfin s’asseoir
Sur le marbre glacé, lorsque le Vent du Nord
Emportera mon âme envolant sa mémoire.