En allant musarder
En allant musarder à l’Aube coutumière
Quand la Lune est encore au-dessus des chemins,
Dans un reflet changeant, au bout de la clairière,
Une fille aux yeux bleus s’éloigne vers demain.
Les marais sont gravés du sceau de ses empreintes
Et la vase est gorgée de ses tout premiers pas,
Mais, dans feu-le falot de leurs cendres éteintes,
Tous les ors des antans s’amenuisent déjà.
Cachée dans les fourrés au creux des veilles ruines,
Espérant retenir le vol du temps pressé
Et, guettant un halo de vie malgré les bruines,
La voici qui flétrit comme une fleur séchée,
Puis va, encore un peu, dansant à cloche-mousse,
Quand un phalène ardent, oscillant et léger,
S’éprend de l’éphémère en sa tignasse rousse,
Où le futur invite un roué passager :
En tissant de ses doigts ses premiers cheveux blancs,
Et d’un grand geste las jeté à contrecœur,
Au miroir de sa vie, elle avise en songeant
Qu’on ne peut demeurer dans la lice en vainqueur :
Les ans aiguillonnés s’enfuient à perdre haleine
-Rien ne peut retenir leur ruée effrénée-
A peine a-t-on vécu, que la nuit nous entraine
Vers un monde inconnu où nos fleurs vont faner.
La vie, c’est comme un quai où nos âmes s’amarrent ;
Les égarant parfois, semant ses passagers
Entre les cieux et l’eau, puis larguant les amarres,
Un gouffre impétueux enfouit les naufragés...
...Alors, si m’en croyez, sans le moindre répit,
Avant que d’accoster aux rivages d’abîme,
Allez, courez, dansez, chantez, jusqu’au défi,
Comme si cet instant devait être l’ultime.