Jour et Nuit
Loin, tout là-haut, en hautes sphères,
Ecarquillant leurs yeux hagards,
La Nuit, le Jour, comme faux-frères,
Se déchiraient sans un regard ;
Lorsque la Nuit, se déguisant,
Faisait ripaille de mystères,
Le Jour, en se déshabillant,
Grand courtisant, draguait la Terre.
Pourtant, opposés, adversaires,
L’un, sans son autre en vérité,
Ne pouvaient strictement rien faire
Ni au grand jour, ni nuit tombée :
Quand le soleil aux gants de braise
Déclinait vite à l’horizon,
La Nuit, tombant sur les falaises,
Se délectait d’étoilaisons.
Ce que le Jour pouvait saisir,
La Nuit aurait voulu happer,
Mais, sans le Jour pour l’éblouir,
La Nuit se trouvait aveuglée.
Pendant que le Jour, paonnant,
Se pavanait tel un hâbleur,
La Nuit, tout en se désolant,
Regardait défiler les heures.
Le Jour, sans haine et sans rancune,
De-ci, de-là, faisait le beau,
Pendant que la Nuit, dans la lune,
Rêvait de matins boréaux.
Pourtant, le Jour, présomptueux,
Un beau matin se fit avoir
Car le Soleil éteint son feu
Et, s’éclipsant, tout devint noir !
Le Jour, affolé de l’affaire,
Se mit à geindre et à déchoir,
Tandis que la Nuit, au contraire,
A se pâmer, à s’émouvoir...
Finalement, chevaleresques,
Et pour ne plus se chamailler,
Le Jour et la Nuit, enfin presque,
Cordialement, firent la paix :
Que soit hué qui mal en pense,
Le Jour a besoin de la Nuit :
La Nuit, la Lune se balance,
C’est le Jour que le Soleil luit.
Et, au printemps, on s’émerveille,
-L’un près de l’autre ils sont assis-
Car la Lune et le gai Soleil
Brillent en cœur quand vient la Nuit.