Le tango de vampires
Le soir s’est déguisé d’un long pardessus mauve
Et la lune apparaît dans son linceul, semant
Le soleil palissant, timide, qui se sauve
En laissant sur la mer un liséré sanglant.
Puis, il se fait diaphane et ferme ses paupières,
Mais la nuit le poursuit d’un rire méprisant
Et, dans la voie lactée, avide et carnassière,
En vampire cruel, se gorge de son sang !
Le bal peut commencer ! Invité à la fête,
Parfumé patchouli, déguisé en démon,
Accroché au treillis de la queue des Comètes,
Andromède brandit un glaive vermillon !
Et Cassiopée, juschée sur le dos de Pégase,
Ensorcelant les Cieux tel un mage vaudou,
S'envole au Firmament rubescent qui s'embrase,
Envoûtant Jupiter et bravant son courroux !..
...Enfin, le sel de l’Aube engourdit les Etoiles
Et la Lune à son tour pâlit dans un adieu,
Puis, le bateau s’en va en hissant la grand’voile,
Laissant dans son sillage un chenal facétieux ;
Et l’aurore trébuche au seuil de ma chaumière
-Derrière mes volets, le soleil se fait beau-
Il mêle ses éclats au lit de ma rivière
Tout en illuminant la jouvence de l’eau.
Quand le peigne d’autan défait ma chevelure,
Je hume, sur ma peau, un parfum singulier
Dont le sel des embruns émousse la brûlure
Quand le soleil enfourche un vaillant destrier !
...Et l’araignée du jour rebrode le suaire
Que la nuit a défait en déchirant la trame
Puis, très paisiblement, égrène son rosaire,
Evinçant le cerbère et sa prison infâme !