L'étrangère
Couchite, elle était noire et c’était la plus belle, aux
Yeux de ce Moïse en homme qui l’aima,
Parmi toutes les femmes, il ne voulait qu’elle,
Opprimée des Hébreux, elle vit le trépas.
Rendue dans la Cité, dont le peuple était fier,
Au pays des élus, c’était une étrangère.
Je la comprends si bien, cette femme, cette autre,
Car j’ai eu, moi aussi, un acide destin,
Arrivant d’un pays, pour vivre dans un autre,
Ses enfants ignorants n’ont pas tendu la main.
Mon prénom et le sien ont cet étrange augure,
Il n’était pas écrit, dans les plis de ma main,
Pas plus qu’on ne voyait, au milieu d’ma figure,
Que j’n’étais pas d’ici, que je venais de loin.
Que je les ai haïs ! Mon Dieu qu’ils étaient bêtes !
Ils n’avaient pas compris que je leur apportais
Un peu de mon pays, dans mon cœur, dans ma tête,
Que mon âme d’enfant de l’amour attendait.
Et j’ai grandi avec, au cœur, une blessure,
Qui, malgré les années, a mûri avec moi,
Quand je sens que mes yeux se mouillent, la brûlure
De ce temps révolu est à nouveau en moi.
Il faudra bien, qu’un jour, ce vide se referme,
Et que j’arrête, enfin, de penser au passé,
L’amour de mes enfants seul y mettra un terme,
Et je vivrai, alors, dans la félicité.