Mes vieux
Nous étions tous les trois, rompant le même pain,
Et nous goûtions le vin, assis à cette table,
Nous partagions des mets, à nos yeux, délectables,
Plus exaltants hier et bien moins que demain.
Vous étiez, tous les deux, assis auprès de moi,
A ma gauche mon père, à ma droite ma mère,
J’écoutais respirer la maison solitaire,
Et le chien, à nos pieds, d’un museau maladroit,
S’en venait quémander un peu de cette grâce.
La pendule égrenait les minutes, les heures,
Maman nous préparait un gâteau… une glace…
Elle lui manque tant sa maison du bonheur !
L’hiver cinquante quatre, ils avaient convolé,
Et la neige tombait : leur unique témoin,
Si la gueule du froid les a ensorcelés,
Ils s’aimaient, voilà tout, et demain était loin.
Pour ses petits-enfants, elle vit, elle espère,
C’est dans les souvenirs, qu’elle voit, à présent,
Celui qui a été, tant d’années, sa lumière,
Celui qui remplaça naguère ses parents…
Les jours se sont enfuis, les mois et les années,
Qu’ils sont loin ses étés ! Dans son cœur, c’est l’hiver,
La maison a vieilli, le chien nous a quitté,
Si la table est dressée, il n’y a que ma mère…