Au milieu de nul'part, toujours là, face au vent, Brûlé par les étés, givré par les hivers. Il se tord et s'éploie de l'automne au printemps De sillons en sillons fécondés par la terre.
Vous l'avez célébré au temps de sa jouvence, Vous les anciens, les vieux aujourd’hui disparus, Témoins de son passé admirant la prestance De son tronc si noueux, de ses rameaux feuillus.
En Octobre, quand l’or maquillait son ramage Et que l’ébouriffaient les nuages pressés, Il écoutait les mots que les oies de passage Lui murmuraient alors avant de le quitter.
Quand Décembre semait ses frissons acharnés, Ses rameaux, transpercés par les glaives du vent, Se tordaient, décharnés, comme des barbelés Que le givre a figé dans l’étau de ses dents.
En Mai, tous ses bourgeons, sous la douce lumière D’un soleil bienveillant, se déployaient heureux, En contractant ses nœuds comme autant de paupières D’où s’écoulait la vie, comme larmes des yeux…
…De mes doigts, aujourd'hui, j’en caresse l’écorce Et j’enlace son tronc qui se fond dans la terre, Il me donne sa sève en m’insufflant sa force Et mon âme s'emplit d'une étrange lumière.