Talibés (Les enfants perdus de M'Bour)
Ils sont nés, quelque part, entre deux confidences,
Ces gamins que j’ai vu ânonner des prières,
Le sommeil, la détresse embrumaient leurs paupières
Et la peur censurait les émois de l’enfance.
Mômes abandonnés –sans l’amour d’une mère-
Et contraints à mendier dès le petit matin,
Le coran, le fouet, pour unique univers,
Le gourbi, les haillons, la misère et la faim !
Pieds nus sur les chemins d’un tyran despotique,
Ils traînaient leurs corps las piétinant la poussière,
A la tombée du jour revenaient, pathétiques,
Pour rapporter les fruits des moissons nourricières.
Des enfants innocents !... Que les hommes sont lâches
Quand personne, jamais, ne viens sécher leurs yeux !
Si les larmes pouvaient effacer, sans relâche,
Les affronts, les soufflets, les propos venimeux !
S’ils sont nés, quelque part, entre deux confidences,
Ils n’ont jamais connu la douceur des caresses,
Héritiers de l’enfer qui n’ont pas eu la chance
De germer au soleil arrosés de tendresse.
Au tréfonds de mon âme où je sens comme un vide,
Je ne peux oublier et mon cœur, qui se serre,
Se rappelle, interdit, le sourire impavide
Du bourreau martelant les mots de la prière.
Dieu ! Es-tu si hautain pour déchirer le doux ?!
Toi qui vois et entends chaque coup, chaque pleur,
Qu’attends-Tu pour forcer et briser les verrous
Des cachots de l’oubli où sévit la terreur ?!