Cette rue souffre de lampadairite aigue Et ses pôteaux sont insolvables L'égoût qui s'y trouve transporte Des rêves abandonnés Des détritus de douanier Ses trous d'homme sont sertis de cailloux aigus Les femmes qu'on y rencontre portent Des diadèmes de cobalt et d'hématite Et des huiles soyeuses Sur la peau de leurs seins Les fous qui y vagissent sans repos Y font grincer des couvercles d'amphores Il n'est pas rare d'y croiser Des pucelles des neiges Jouant au bilboquet ou au cerceau Chantonnant des airs périmés Tombés en désuétude Il y pleut plus souvent qu'ailleurs Les félins qu'on y croise ont le pelage tigré Des chats servallins qu'on empaille par vanité De chasseur fou des foires champêtres Les addresses y sont peintes le plus souvent Sur des feuilles d'asclépiades séchées Les lampions que l'ont voit aux fenêtres émettent Des odeurs lubriques de chambres clandestines Les salves d'un canon encore introuvable Y résonnent parfois l’automne vers midi Entre deux soupirs de sirène usée Le craquement de poûtres vermoulues s’y fait entendre Parfois seulement en échos crépusculaires Jadis, les tramways à air comprimée y grinçaient En route vers les parfumeries nauséabondes et cloturées Des élites parafinées sans goût et sans scrupule Les sentinelles gardiennes du margrave dernier S'y saluaient en route vers leur ronde Autour de ses bunkers striés et abominables Cette rue maudite souffre de boursoufflures à la mode Et de traces de limaces égarées Les ambitions de fonctionnaires obtus Y ont laissé trop de blessures flagrantes Et le gruau que l’on sert Dans ses cafés vermoulus Est couvert le plus souvent Des ricanements à salpêtre Des plagiaires à bitte molle Mieux vaut toujours n’y mettre les pieds Qu’avec prudence inouie De sarcleur d’épinard armé Du sourire épique du chiendent nain