Cétacés
Il y a bien longtemps,
Lorsque le littoral était féerie
Et la mer magicienne,
Une otarie anglaise
Aux grands yeux rieurs
Devisait chaque après-midi,
Avec son cousin
Le phoque gris,
Jeune dandy moustachu,
Sur un îlot enchanteur,
En mer d’Iroise.
A cette époque, dit-on
Perchés sur une falaise,
Ils défiaient le vent
Jusqu’à la tombée de la nuit,
En dégustant un thé raffiné,
Savourant avec gourmandise
Le panorama sauvage qui s’offrait à eux,
Tableau coloré de rochers dentelés par les vagues,
Où chaque grain de sable, chaque rouleau, chaque ajonc
Portaient encore dans leurs coeurs,
Respect de la nature et hommage à la vie.
On raconte que des années durant,
Afin de conjurer le sort,
Les marins les saluaient
à chaque passage.
Ce rituel, digne d’un roi et d’une reine, n’est plus,
Comme Miss Daphné Jugglery et Sir Mac Gray.
Depuis, je suis la mémoire vivante
De ces deux âmes, amis fidèles de l’harmonie.
Je suis Prudence Mac Gray, océanologue,
Arrière-petite-fille de Sir Peter Mac Gray, guide passionné
Qui doit se retourner dans sa tombe de granit…
Car aujourd’hui, sur la plage, à marée basse,
Plus de crustacés qui font la fête,
Mais un monde silencieux
Où la mort règne sans pitié !
Les crevettes carburent au soda,
Saoulées de nos cultures immatures !
Le ventre lourd, tenaillés par la fin,
Les crabes en pincent pour les méteaux !
Citoyennes, les huîtres sentinelles fabriquent
Un collier de perles, future rivière de nos trésors trépassé
C’est assez !
Tempête le cachalot.
Dans les épuisettes, à marée haute,
Prolifèrent d’ordinaires cueillettes
De créatures décomposées et d’oeuvres contemporaines à recyc
Dans un tourbillon de grande consommation,
Les oiseaux se piquent de ces pitances empoisonnées,
Près des colonisateurs qui font leur toilette, sans pudeur !
Les poissons s’habillent d’arsenics culottes,
Se couchent sur le dos, suicidés par leurs amis hommes pêche
Des déchetteries sous-marines squattent les grands fonds !
Philanthropes, les cétacés se chargent du tri sélectif !