L'inutile combat
Le bateau s'éloignait du vieux port de Marseille,
Emportant à son bord mes vingt et un pritemps.
Notre-Dame, en sa gloire, allumait une veille,
Le secours des marins perdus au mauvais temps.
La mer faisait hurler sa vague insupportable,
Et semblait refuser d'emmener des soldats.
La force du roulis, mouvement indomptable,
Faisait voler les corps et les coeurs en éclats.
Un jour de traversée où l'esprit se retranche,
Une accalmie enfin, puis soudain c'est l'éclair :
Sous le ciel bleu là-bas, Alger la ville blanche,
Une apparition, tout me paraît si clair.
Le jour n'est pas tombé du feu de la mitraille,
La prière a jailli du haut d'un minaret,
Et l'on entend, au loin,le bruit d'une bataille,
La mort frappe toujours, encore et sans arrêt.
Un convoi qui m'emporte au désert sur le sable,
Un régiment d'élite et Ghardaïa, son fort,
Une oasis bleutée, un ciel inoubliable,
Où se cachent la paix, l'espoir, le réconfort ?
Chaque jour m'apportait un message, une lettre,
Et je lisais, sans fin, les plus doux mots d'amour.
Quand le vent de la peur faisait trembler mon être,
Ma plume , dans le soir, courait vite, à son tour.
Après des jours, des mois, un cri d'indépendance,
C'est un soleil qui luit sur la fin des combats,
Le retour au pays vers la si douce France,
Mais aussi les cercueils, les douleurs, les grabats.
Beaucoup ont disparu, tombés en fleur de l'âge,
Beaucoup ont mis la mort au bout de leur canon.
Beaucoup ont vu semer les champs de haine et rage,
Pour un rêve utopique, une guerre sans nom !