Sans domicile fixe
Je le revois toujours s'allonger sur un banc,
Le visage blafard, un mégot à la bouche,
Son sac pour oreiller, le bois dur pour sa couche,
Un vieux manteau râpé lui recouvrait le flanc.
Ses compagnes n'étaient que de pauvres bouteilles
Qu'il caressait souvent lorsque tombait le soir...
Se relevant parfois pour tituber, s'asseoir,
Hirsute, emmitouflé, bonnet sur les oreilles.
Lorsque venait la nuit dans le ciel et son coeur !
Il marchait vers l'espoir, se traînait dans la rue,
En tirant sa carcasse et sa misère accrue,
Son âme dans sa poche au tissu de rancoeur.
Cherchant un bout de pain, son peu de nourriture,
Au fond d'une poubelle ou place du marché,
Tremblant, regard peureux, il s'affairait, penché
Comme un voleur tapi pour une forfaiture.
Quand revenait décembre et le règne du froid,
Pour un brin de chaleur, confort élémentaire,
La grille du métro, son lit rudimentaire,
Devenait paradis, un fabuleux endroit.
Grelottant et fiévreux, il élut domicile,
Ne se levant le jour que pour tendre la main,
Pour trouver un sourire au bord de son chemin,
Dans le désert grouillant du grand bruit de la ville.
Ce matin, j'aperçus, gênés, silencieux,
Quelques badauds émus parmi tous les piétons...
De lui, ne restent plus que ces bouts de cartons,
Il est mort là, tout seul, juste devant nos yeux !