T'en souviens-t-il ?
T'en souviens-t-il, ma soeur, des jours de notre enfance ?
C'était un temps lointain, la guerre s'en allait,
Où l'on manquait de tout, où l'on manquait de lait,
Et nous vivions de rien, de pain, d'insouciance !
T'en souviens-t-il encor de la famille immense,
Quand nous vivions nombreux, cousines et cousins,
Et partagions, heureux, les fruits et les raisins
Du jardin de la vie et du bonheur intense ?
T'en souviens-t-il toujours de la maison si belle
Où le soir nous courions, ensemble ou tour à tour,
Chercher une couchette, un petit plat au four ?
Butinait papillon, voletait l'hirondelle !
T'en souviens-t-il, alors, de tous ces vrais mirages,
De la bonne Grand-mère et sa peur de l'éclair,
De son amour des fleurs, de son rire si clair,
De ses jeux enfantins pour nous tenir bien sages ?
T'en souviens-t-il, hier,nous allions à la messe ?
L'église où tu chantais, j'étais enfant de choeur,
Et nous marchions, joyeux, d'un même pas vainqueur...
Le dimanche, autrefois, revenait dans la liesse !
T'en souviens-t-il souvent, là-bas sur l'autre rive
Où refleurit la rose au lit de nos parents ?
Les chagrins éternels emplissent les torrents
De l'adieu déchirant lorsque la mort arrive !
T'en souviens-t-il avant, nous avions nos deux frères,
Rêveurs aventureux, courant la liberté,
Que sont-ils aujourd'hui , grand flot d'infinité ?
Partis en autre monde, ils errent solitaires !
Tu t'en souviens, bien sûr, puisque c'est notre histoire,
Qui nous suivra sans fin jusqu'à l'éternité...
Gardons au coeur l'amour de la fraternité.
Lorsque le soir descend, allumons la mémoire !
