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Elie MANGOUBI

Le destin avait frappé



Le destin avait frappé un beau matin
Pour lui dire de prendre le chemin
De retour vers ce pays d’où elle avait
Eté forcée de quitter à tout jamais.
Elle s’était jurée de ne plus revenir
Vers ces lieux où elle avait vu finir
L’insouciance de sa jeunesse dorée,
Pour vivre avec la douleur infligée
A ces parents par cette expulsion
Décidée par le président d’une nation
Qui se disait honnête, socialiste et juste.
Elle retournait toute seule, son buste
Oppressé par les émotions attachées
Aux souvenirs de ses parents déplacés
Loin de ce pays qu’ils voulaient revoir
Elle faisait ce voyage non par devoir
Mais pour exprimer sa reconnaissance
Envers ses parents qui durant leurs absences
Loin de la terre du Nil avaient souhaité
Reboire l’eau de ce fleuve dont ils avaient
Eté privée. Elle retournait pour se désaltérer,
Visiter les membres de sa famillee enterrés
A Bassatine, le plus ancien des cimetières
Juifs au monde et leur dire sur les pierres
Tombales qu’ils n’étaient pas oubliés.
Elle allait pleurer de joie en revoyant
Sa synagogue et de tristesse en pensant
Aux jours heureux où elle se rendait en paix
Avec ses parents, aujourd’hui décédés.
Insondable destin qui la ramenait au nom
De ses parents pour constater l’abandon
Des hôpitaux, des écoles, des synagogues
Israelites pour satisfaire un démagogue
Et assurer son succès politique au détriment
De juifs, étrangers, égyptiens; temps
De refexion sur une époque révolue
Qui se perpetue dans une ignorance absolue.
Plus de cinquante ans après, elle comprit
Qu’ il fallait parler de ses parents, redonner vie
A ce passé pour que la mémoire, les souffrances
Des juifs du Nil ne tombent dans l’inconscience,
L’oubli. Elle allait rompre le silence, raconter,
Parler de ce deuxième exode pour ne pas oublier
Que comme les Hébreux, les Juifs du Nil ont existé.