Avant qu’un jour un gros chagrin ne me terrasse Je chantais avec les cigales, Je traversais les champs de blés Je me levais pour la bataille L’affrontement des épées en carton Pour des poupées mal coiffées Et d’horribles napperons
Je sortais après l’orage Quand le ciel et la terre se partagent Le plus beau des gris d’été Je sautais dans la plus grosse flaque En sachant que j’allais me faire engueuler
Mais j’aimais les odeurs, les couleurs et les gens Qui habitaient mon âme et mon cœur d’enfant Et quand le livreur de pain arrivait Je me délectais de l’odeur de levain, D’un morceau de pain arraché De la huche où ma grand-mère le posait
J’y fourrais ma tête et je respirais À plein poumon, la tête enivrée Je faisais le plein de gaîté, de douceur de caresses Pour quand le jour du gros chagrin Je sache où me réfugier
Dans ma huche à pain Dors mon frère et mon passé Les jours heureux, les maïs, les étés Et quand soudainement je pleure J’y mets ma tête et je respire Tout ce qui a été, Et qui jamais ne s’enfuit
Nos corps ne sont pas que cendres Ils sont miettes, de ce pain dont on fait des prières Je fais la mienne en soulevant le couvercle D’une huche où repose ma paix.