Que froidure aille fourbissant Ses armes blanches dans l'ornière; Les arbres nus, fouettés au sang, Pansés de givres et de lierres; C'est la sonnerie printanière, La violette qu'on attend Sous le poids des neiges dernières, Comme nos bons pères d'antan.
Que le narcisse fleurissant Jaunisse à l'anse des clairières; Que la brume au manteau d'encens Drape le lit gras des rivières, Les Croix de Bois des cimetières, A cloche-pied, par tous les temps, Montent à l'assaut des lisières Comme nos bons pères d'antan.
Que le blé reprenne un versant, La betterave suit derrière Et le soleil incandescent Couche le foin sur des civières Quand le bleuet des écolières Cueilli trop tôt, à bout portant, Se consume et devient poussière, Comme nos bons pères d'antan.
Seigneur, entendez nos prières Sur ce chemin qui va chantant; Que reviennent ses cavalières, Comme nos bons pères d'antan.
Emile Ducharlet Extrait de "Chansons du Pays d'Abel"