J’entends de la cuisine mon chien qui s’impatiente Et les cris des enfants qui jouent sur le chemin . Dès qu’ils tournent le dos , un couple de mésanges Se pose à leur place et pique les noyaux Qui jonchent la prairie . Toujours au même endroit . La soirée est paisible . Le gardien de l’écluse Epluche son journal en se brûlant les doigts Sur la tasse amenée par sa femme docile . Il m’entend respirer et lui dit à mi voix : « Les voisins sont gentils ! Invite-les demain !»
Les péniches s’endorment et glissent simplement Les unes sur les autres . J’aurais peur à leur bord D’avoir le mal de mer . Je préfère l’odeur De la terre endormie . J’ai du temps devant moi . J’aperçois dans les champs Qui bordent le canal , dessinés et précis , La courbe des labours , que le dessèchement , Infinitésimal , a longtemps travaillé .
Donnez-moi seulement encore quelques soirées Je sentirai soudain le temps retraversé En trois coups pinceaux . Les mains sur les genoux Je réfléchis assis aux choses de demain Et j’oublie en chemin – C’est vraiment beaucoup dire – Si la source du temps et les gardiens du seuil Me laisseront en paix encore une saison .
Qui se réveillera à la fin de ce rêve En refermant la porte qui donne sur la nuit , - La nuit sans se presser , qui coule lentement ?