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Eric PALOMAR

Olympia

C’était un rude hiver plus froid que de coutume
Les pierres de nos murs se fendaient à moitié
L’on croyait que la neige transformée en écume
Par les vents du nord-est, sans pause, ni pitié,

Donnaient aux haies de buis une mousse blafarde
Qui tombait en grumeaux quand on la déblayait.
Les rosiers que mon père avait jadis veillé
N’avaient pas résisté aux coups de hallebarde

De l’intense tempête. C’est dans ces conditions
Que je peignais la nuit , le jour. Et même si
Mes tubes de peinture étaient à la merci
D’un refroidissement, je prenais possession

De la toile avec force que tu tentais de lire.
Nous rêvions de fruits d’or et de viandes fumantes,
Des tableaux de Gauguin aux couleurs provocantes
Et tu moquais mon Art de mille éclats de rire.

C’est là qu’on s’est aimé en lambeaux de misère :
Nul ne nous visitait, nous étions seuls à vivre
Tu jouais au modèle, frissonnant sous le givre
Et récitais des vers de Charles Baudelaire

Pendant que j’essayais - O Ces mains trop meurtries -
De trouver la couleur qui te ferait sépia
La plus belle des Nus, la nouvelle Olympia
Celle dont je rêvais. Vie ! Fou ! Idolâtrie !

Puis le temps est passé, les beaux jours revenus.
Tu es riche et comblée. Tu t’es mariée avec
Un universitaire. Qui enseigne ? Le grec !
Il t’a fait, m’a-t-on dit, deux enfants. Et mes nus ?

Ils rient allègrement au fond de mon grenier
Car nul n’en a voulu, même pas le marchant
De légumes à Sextus, ni le vieux chiffonnier
De la rue Alphéran que tu trouvais méchant.

J’ai jeté mes pinceaux, replanté vingt rosiers
Perdu dans le néant des choses de la terre.
Et le soir en été dans les blés, solitaire,
Je pense à toi couché sous le vieux merisier.

Je m’en irai bientôt en laissant cette trace
Ton prénom noir, inscrit, sur le bas de mes toiles.
Tu n’auras été qu’un petit air frais qui passe
Une averse muett , un petit bout d’étoile.

Je vais bientôt mourir, rentrer dans le silence.
Le village saluera mon cercueil au passage
Peut-être viendras-tu me souffler : « Bon voyage » ?
J’irais te réserver un billet. Par avance !

31 octobre 2003.