Connaissez-vous la fille aux arômes de mer Cette fleur mystérieuse au pelage d’hermine Qui se cache à Guérande au milieu des vasières Sous une boue d’argile et de terre marine
Elle est nue toute nue dans sa robe d’or blanc Sans tige entortillée ni le moindre sépale Sans feuille déployée ni le moindre pétale Dépourvue d’artifice et de tout faux-semblant
Elle reste tapie tout le temps de l’hiver Et barbote invisible au marais somnolent Jusqu’à ce qu’un vent sec et un souffle solaire Lui redonnent la vie dans son corps ruisselant
C’est parmi les œillets qu’elle ancre ses racines S’écoulant doucement de canal en canal Tel le mince filet d’une ondée lacrymale Qui se répand sans fin sur une joue voisine
Son âme s’évapore à mesure que glissent Ses larmes saturées sur le fil des bassins Où l’écume blanchie se concentre à fleur d’eau
Cette fleur épanouie c’est le sel qui fleurit En une mousse rare et légère et précieuse Qu’il faut savoir cueillir et préserver à temps
Son cristal s’amoncelle en petits édifices Des terrils albinos qui servent les desseins Des anciens paludiers toujours les pieds dans l’eau
Voici comment le sel recouvre son esprit En peuplant les greniers et les tables joyeuses Où ripaillent les gens d’aujourd’hui et d’antan