L’Ourse blanche a quitté la banquise effacée de la nuit par la gomme spectrale de la ville insomniaque encombrée du halo qui de jour comme de nuit l’éclaire et rend le ciel falot du point de vue de l’Homme
Du point de vue de Ourse la Grande il en est autrement
Peureuse trop heureuse de ne plus craindre pour elle et sa progéniture l’Homme menaçant son fusil à lunette télescopique toujours à portée de la main
Quel chasseur à présent pourrait-il les débusquer de leur tanière dans le clair boréal de leur monde polaire ?
Et l’Ourse la Grande et la Petite de rire de rire et de rire encore en s’imaginant sous les réverbérations des multiples étoiles terriennes le nombre des têtes en l’air et leurs torticolis désespérés pour tenter de les retrouver
Un rire un rire explosif si FORT et si ÉNORME qu’il finit par surprendre un vieux chasseur Sibérien solitaire oublié dans l’Arctique
Le très vieil homme alors pris de panique sort son fusil de son étui de peau de renne et tire plusieurs coups en l’air avant de déguerpir de peur de voir le ciel lui tomber sur la tête
Depuis cette nuit blanche l’Ourse la Petite en extinction de voix ne rit plus
La Grande a disparu dans le silence l’indifférence universelle
Car l’Homme trop terre à terre trop habitué à ne rien voir à ne plus regarder crapahuter les Ourses dans leur habitat naturel mais dans les cages des zoos ou derrière de petits écrans lumineux ne réalisera que d’ici à quelques années quelques centaines, quelques milliers d’années peut-être le drame qui s’est joué sous ses yeux ce soir avec pour seul souvenir un écho une trace la lumière des étoiles mortes derrière la vitrine d’un musée
(les sauts de paragraphes sont ici utilisés pour marquer le rythme du texte comme sur une partition)