Un soupçon de David Cronenberg « Spider », un brin de Rolph de Heer « La chambre tranquille » sur fond de Ruben Gonzales Gallego « Noir sur blanc »… mélangeons et observons :
Un petit garçon noir Dans un pyjama noir Repose sur le lit D’une chambre polie Aux quatre murs stériles Quelque part dans l’asile Où il fut oublié Il y a des années Qu’il ne sait pas compter
C’est l’enfant-araignée Aux cheveux mal peignées De très longs cheveux noirs Qui couvrent ses yeux noirs Deux petits yeux candides D’un noir presque livide Tant il n’est rien à voir Du matin jusqu’au soir Dans cette pièce aride Comme un espace vide Qu’il lui faudrait saisir Afin de le remplir
Il doit rester ici Dans la chambre polie De cet univers blanc Soi-disant bienfaisant Si l’on en croit ces gens Tous habillés de blanc Qui amènent la soupe Le soir dans la soucoupe Qui lui sert de gamelle Comme avant la mamelle De sa folle maman
Il aime ce moment Qu’il attend chaque jour Son cœur comme un tambour Ses lèvres tremblotant Pour ces quelques instants De chaleur dans le ventre De tiédeur au bas-ventre Cause de réprimandes
Mais lui en redemande Car c’est à ce moment Qu’il se sent important Tout simplement vivant Ce que nul ne comprend
Ainsi il reste seul Assis sur son linceul Sans jamais de sortie Ni même un mot gentil Un mot réconfortant
Et pour passer le temps Il tresse dans sa tête Ainsi qu’un fol esthète Une toile savante D’une fibre vivante En mimant l’araignée Qu’il a un jour croisée Au plafond de sa chambre
Il joue avec ses membres A bien tisser sa toile Croisements en étoiles D’un pan de mur à l’autre Dans un coin puis dans l’autre
Et c’est à poings fermés Parfois même éveillé Qu’il se plait à rêver Tête sur l’oreiller Couché sur le drap blanc Son bras contre son flanc Le dos contre le mur Dessus la couverture Comme s’il faisait nuit
Il imagine en lui Des souvenirs enfouis Des souvenirs jaunis Des souvenirs rougis Des rêves bleus aussi Qui viennent s’accrocher Sur le fil étoilé
Il ouvre alors les yeux Et tend les bras par deux
Il ramasse et enlève Sur le fil tous ses rêves Qu’il s’apprête à coucher Sur un simple papier Grâce au bout de ses doigts Et au crayon de bois Oublié par hasard Par la dame en pétard Qui l’avait houspillé Quand il s’était mouillé Plus tôt dans la journée
Puis l’enfant-araignée Se met à dessiner Des traits sur son papier Et le monde jauni Et le monde rougi Le monde bleu aussi
A coups de crayon gris Le monde devient gris
Plus tard la dame en blanc Croira que cet enfant Perdu dans ses tourments Ne voit qu’en noir et blanc
Et son dessin enfin Trouvera le chemin Du tableau d’acajou Au mur des enfants fous Que nul n’apercevra Que nul n’appréciera Laissant seul sur le lit D’une chambre polie Le petit garçon noir Dans son pyjama noir