L’offre
Offre-moi, belle rose, à huis clos s’il le faut,
De ton âme tout en prose, un poème des plus beaux.
Tu m’offrais –fus-je las ? -, comme il est de coutume,
Ton regard, vu d’en bas, à l’ombre de ta plume.
Il est dans mon besoin de t’avoir à l'avenir,
Soit en vers, soit en rêve, tu es seul maître ici,
Mais je vais, non sans mal, devoir t’appartenir,
Au versant délicieux de tes pétales gris.
Car vois-tu derrière toi la colline ombragée ?
Là où coulent le sang et le venin mortel
Qui s'étendent à nos veines telle une grande envolée,
Qui t’ont pris tes couleurs et ont volé le ciel !
Il est mort l’aulne vert de ton inspiration
Et l’ange qui volait et frôlait tous les Saints,
A présent les nuages, sans même prendre raison,
Ont tué tous ces lieux de nos doigts assassins.
Demoiselle au cœur libre, ne sois donc pas si dure !
De ta tige qui vibre en pointant vers l’azur,
Comprends-tu la folie de ces cœurs mal-aimés ?
Signe donc sur la vie ta supériorité !
Oublie-moi en tant qu’homme car ta rancune amère
Ne sait plus qui nous sommes mais le feu de la Terre
Ne venait pas de moi car il leur appartient
Autant qu’il rit de toi, le vieux spectre inhumain.
Je t’avoue j’ai voté pour la foi de mes frères,
J’ai longtemps admiré ce reflet sur la mer,
Mais j’étais aveuglé par le soleil lointain,
Je croyais observer la flamme du destin.
Maintenant je sais tout, je devine tes peines
En t’écoutant parler devant tous ces tombeaux,
En lisant dans ton cœur que je vois noir ébène,
Ne voyant plus la lune illuminer ma peau.
Tu pourras m’en vouloir d’être né parmi eux,
On te raconterait qu’ils me ressemblent un peu,
Tu pourras tout y croire mais la nuit et les cieux
Ne pourront plus jamais briller comme tes yeux !