Il suffit quelquefois d'un effluve éphémère Pour me faire sombrer dans un passé lointain, Lorsque je discernais le dimanche matin Une perle d'émoi dans les yeux de ma mère...
Et les jours de printemps, elle aimait astiquer Avec force et vigueur le vieux meuble sans âge, Offrande inestimable en unique héritage, Mais la clause était claire, il fallait le briquer !
Ses portes renfermaient mes souvenirs d'enfance : Des albums de famille aux nappes et torchons, La cire d'encaustique et les quelques chiffons Dont je n'oublierai pas l'embaumante fragrance.
L'étagère du bas servait de fourre-tout : Les poèmes divers que je devais apprendre, Retenir et conter sans vraiment les comprendre, Fréquentaient les couverts, les plats et le faitout.
Mais en quatre-vingt-trois, ineffaçable année, Quelques vers affamés et le temps destructeur Ont obligé ma mère, à son plus grand malheur, D'en faire un aliment pour notre cheminée...