Un friselis léger frôle la lande grise, Les rouges du couchant couvrent de leurs rayons Ces oripeaux de jour que la lune reprise, La nuit semble compter les ombres en haillons.
Les flots et les forêts, les belles fleurs sauvages Frémissent doucement dans la tiédeur du soir, Et les lueurs d’argent qui brodent les rivages Estompent leurs clartés sous ce grand brunissoir.
Le voile vaporeux d’une robe de brume D’une senteur exquise embaume l’air glacé, Et le blanc goéland scintillant sur l’écume Sent le flot langoureux longuement l’enlacer.
Le châle de minuit endort l’âme des choses, Les pétales pastels de petits papillons Posent leurs bleus baisers sur les lèvres des roses ; D’un navire au lointain dansent les pavillons.
Fendant les tourbillons, les grandes étendues, Recueillant d’une étoile une larme d’or pur, Les ailes d’un trois mats se déploient jusqu’aux nues Serties d’éclats d’émail et de lambeaux d’azur….
Ô valse des vaisseaux ! Ô vogue souveraine ! Vois la vague cavale où se love le vent, Ce rai teinté d’argent qui nacre la sirène Et se meurt dans la mer, mystérieusement…
Mais la mer, en son sein de maîtresse jalouse, Berce tant de nochers sur un lit d’algues vert, Assoupis dans les plis de sa robe andalouse, Ô le cri des marins qu’un murmure a couvert !