Nous avions enfin réussi Nous étions fous de joie : Notre bonheur avait fleuri Malgré l’hiver, malgré le froid. Il était grand, il était haut Il était vrai. Il le fut trop. Nous cultivâmes la précieuse plante Durant bien des années. Mais quand, blessé, le cygne chante La belle fleur doit faner.
Et tu pris un matin Mes mains dans la clairière ; Tes yeux étaient empreints D’une divine colère. Tu m’embrassas avec ardeur Fis quelque pas en arrière, Crias « adieu ma fleur » Et t’enfuis par-dessus la barrière.
Le soir, une fée en mission D’une petite voix solennelle Réclama mon attention Tout en agitant ses ailes. Une fois assise sur mon doigt Elle me fusilla du regard ; Celui qui dit «à cause de toi » Celui qui dit «il est trop tard ». Puis elle murmura lentement En désignant mon cœur : « C’est ici qu’elle voulait vivre Et nul part ailleurs ».
Tu étais la belle Alice Moi le lapin trop pressé. J’étais l’intrépide Ulysse Et toi la perfide Circé. Tu as été la lumière Quand je n’étais qu’obscurité, Tu as inondé mon enfer Quand ton paradis fut incendié. Nous étions tellement fiers D’avoir su se congédier Sans croiser le fer Sans vaisselle brisée Nous avions conclu l’affaire D’un dernier baiser.
Je ne pense pas que deux personnes Auraient pu être plus heureuses Que nous l’avons été. J’attendrai que mon heure sonne Pour suivre la faucheuse Le cœur plein de gaieté.