Que naissent les souffrances qui s’oublieront le soir !
Par une belle nuit froide, il battait le pavé, Un bouquet d’ancolies sous sa veste caché, Le regard embrumé comme par un nuage, Comme le phare d’un port une soirée d’orage.
Un frisson d’inquiétude le gagne et l’alanguit : Il redevient esclave de sa mélancolie. Son sourire se dessèche, ses prunelles s’éteignent, Et seul avec son âme pour ultime compagne,
Et seul avec l’oubli, vague gouffre sans fond, Il abaisse en pleurant sur le pavé son front. La fraîcheur de l’aurore le retrouve vieilli, Et le bouquet de fleurs lui aussi a flétri.
Cependant il se lève, marche péniblement, Il relève la tête, avance lentement, Parcourt avec regret l’impasse des Lilas, Et cherche avec langueur Celle qu’il ne croit plus là.
L’escalier qu’il gravit le conduit à Sa chambre : Le piano est ouvert, une sonate dans l’ombre Attend qu’un virtuose fasse valser ses notes : Etrange vanité que celle d’une sonate !
Il retrouve la table sur laquelle dansaient Les groseilles et les roses ; les couleurs fanées D’une gravure jaunie : Eté sous les tilleuls ; Le poids du temps le courbe et le laisse si seul.
Ces souvenirs le blessent, lui torture sa mémoire, Il s’effondre en pleurant sur le fauteuil. Un soir Il y revient, le regard embrumé ; Son nom Il le lui pleure, le crie... et Elle lui répond !