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Frédéric REITZ

Dans une prochaine vie

Je ne veux plus pleurer ces mondes engloutis
Simplement constater ton impossible oubli
Car tu es bien vivante dans mon coeur sépulture :
Une image qui hante, absence qui torture.

Mort d'avoir trop vécu, notre amour s'est éteint,
Et il ne reste plus que fades lendemains.
Survivre reste un choix que j'ai encore à faire,
Pour le moment, tu vois, je préfère me taire.

Bien-sûr je peux me dire que c'est bien mieux comme ça,
Plutôt que dépérir mieux vaux en rester là,
Mais privé tout à coup d'une lumière telle
Et tout me paraît flou revenu au réel...

Et les yeux des enfants dont nous tenons la main
Déchirent de questions un avenir bien morne,
Une histoire de grands, deux étrangers soudain,
Efface leurs visions d'un amour de licorne.

Est-on si vide en fin, aveugles à leurs destins,
A comme unique pain poursuivre ce chemin
Qui ne nous mène à rien ? Se moquer de demain ?
Malgré tous les câlins restera le chagrin...

Cela pourrait m'aider de repenser à toi
Comme une croix plantée au plus profond de moi.
Je n'irai pas par là, car ce serait mentir,
La solution pour moi n'est pas de te haïr.

Le plus dûr aujourd'hui, c'est de vivre avec ça :
S'étendre dans un lit où la passion brûla,
Personne à soutenir, personne qui soutient,
Ne plus t'entendre rire, ne plus tenir ta main...

Chasser les démons qui colonisent mes nuits,
Vampires pour mon âme écrasée par l'ennui.
A vrai dire, parfois, j'aime leur compagnie,
Combien de temps, sinon, vais-je rester en vie ?

Tombé au fond du trou parmi rats et cafards,
J'aimerai être fou et marcher au radar,
Traînant ma canne blanche en aveugle soumis,
N'être plus qu'une branche attendant qu'on la scie !

Je rampe dans les rues absent tel un zombie,
Je me sens si perdu sans un soleil qui brille,
J'arrive à échéance au milieu de nulle part,
La dernière séance aura bien lieu ce soir...

J'espère seulement t'avoir donné un peu,
J'ai fait ce que j'ai pu pour attiser le feu.
Cela n'a pas suffit à faire briller tes yeux,
Dans une prochaine vie, j'essaierai de faire mieux.

(Paris, 1993)