C'est moi le pont, je relie la gauche et la droite, C'est vrai que moi j'adore me mirer dans l'eau Et, regarder ce qui passe là-bas à vau-l'eau Comme le font les nuages qui font les beaux ; La gauche, rive à lise, épie la rive reine, à droite.
La gauche a sa rive comme la droite a sa berge ; La culée de gauche tire la culée de droite Comme au tir à la corde main gauche, main droite ; Mais sans être gauche et sans être maladroite, Chacune a sa culée que sa rive héberge.
Sur le petit ruisseau, je suis une passerelle ; Pour la jolie rivière, j'ai mes deux pieds dans l'eau, Mais, avec parfois en plus, un ou deux arceaux Où vient s'abriter la famille des poules d'eau Qui se cache pour la nuit avec sa ribambelle.
Au fleuve tumultueux, je suis pont suspendu Et joue au vent du nord des accords de harpe. L'ombre de mon tablier camouflera les carpes, L'hiver j'aurai le pécheur, son ciré, son écharpe Et, l'été j'aurai le saut de l'ange défendu.
Je ne suis que le pont, je ne suis pas frontière ; Je suis la main tendue de la gauche à la droite, Je ne suis qu'un passage comme une porte étroite, Je suis l'amour, la vie que l'espoir miroite Comme les premiers jours des saisons printanières.
Il y a tant de rêves sur la rive de gauche ; Il y a tant d'espoir sur la rive de droite. Saches reconnaître que ce que tu convoites N'est pas tellement une idée maladroite, Même présentée de manière un peu gauche.