Qui dit être poète et prétend s'envoler Comme l'oiseau dans l'air, tutoyer les nuages, Te ment pour te tromper et pour se protéger, Car la vraie poésie est d'un autre voyage Non pas vers les nuées, mais plus en profondeur Où, semblable au bagnard entravé par ses chaînes, Le poète en rampant creuse comme un mineur Dans la quête éperdue de filons et de veines. Comment comprendre alors la commune illusion Qui veut qu'à chaque mot on dirait qu'il s'élève ? C'est que les galeries où gît l'inspiration Sont la cache où s'enfuient la mémoire et les rêves ; Libérée, chaque image arrachée au trou noir Par le chanceux poète, atteignant la surface Prend alors un essor propre à nous émouvoir Et se laisse emporter au premier vent qui passe. Quant à l'heureux auteur, les pieds plantés au sol, Il regarde, figé, voler tous ses poèmes ; Libre et léger, chacun d'eux prenant son envol Emporte vers le ciel un part de lui-même.