Au bord d'un vert étang couvert de nénuphars Poussait une fleur aux couleurs épanouies ; Vint un papillon qui voletait au hasard, Il remarqua la fleur et lui prit la lubie De se poser près d'elle et d'aller lui parler, Non pas pour la flatter, comme par élégance Il l’aurait dû, mais au contraire, pour railler. « Bonjour, ma petite fleur, as-tu bien conscience Que tes pétales sont si brillants et radieux Que l’on pourrait presque les prendre pour des ailes ? Tu aurais pu être papillon, mais, ô Dieu, Quel malheur, être si incroyablement belle, Si merveilleuse, et incapable de voler ! Quel affreux coup du sort ! » dit le lépidoptère. Puis il s’envola, amusé d’abandonner La fleur, irrémédiablement plantée en terre, Les yeux au ciel, humiliée et triste à mourir. A peine avait-il décollé qu’une grenouille, D’un coup, l’attrapa en plein vol pour l’engloutir. La fleur, assistant à la mort de la fripouille, Se réconcilia soudain avec son état De petite plante, immobile et sédentaire.
N’écouter ni les moqueurs, ni les scélérats Et s’aimer tel que l’on est, la morale est claire !