Un riche et beau carrosse allait sur un chemin. Sur le bord de sa route, il croisa un moulin : - Holà, bien le bonjour, misérable bâtisse » Cria-t-il au moulin tendu par mille drisses, - Misérable ? Et pourquoi ?, dit le moulin à vent, Votre ton est méchant et bien plus qu’offensant ! » - Enfin, mon bon ami, voyez comme je brille, Je suis de soie et d’or, et tout en moi scintille ; Vous êtes tout terreux, grisâtre et poussiéreux ; Votre maître est manant, le mien majestueux ! Je suis quasiment noble et vous êtes immonde : Nous n’appartenons pas, je crois, au même monde. - Vous vous trompez, ami, nous sommes matériels Vous et moi, tout pareil ! Votre rêve irréel De voir sur vous tomber un peu de la noblesse D’un maître qui ne vous confie que sa paresse Confine à la sottise ! Prenez donc mon avis : Il ne nous reste rien de ceux qu’on a servis ! Par ailleurs écoutez : on brille de l’usage Par lequel nous servons, que nos maîtres soient sages Ou complètement fous, voilà ce que je dis. Si l’on porte à la bouche, après l’avoir béni, Le fruit de mon travail que je fais dans la peine, Je vois que votre cas n’est pas si belle aubaine Car tous vos passagers, pensez-y maintenant, N’assoient sur vos coussins rien plus que leurs séants ! »