Un jardinier à l’âme de collectionneur Avait un beau verger où son plus grand bonheur Était d’accumuler (mais était-ce sagesse ?) Du monde entier des arbres de toutes espèces. Il en prenait grand soin, et s’épanouissaient Pommiers du Canada, cerisiers japonais, Bananiers africains, cognassiers du Caucase Caféier du Pérou et grands dattiers abkhazes. Un jour, arriva dans le jardin, un pêcher Que le bon jardinier planta près d’un noyer. Dès qu’il vit, de son voisin les fruits par centaines Le pêcher, très envieux, ressentit de la peine ! Les pêchers, c’est connu, tout comme vous et moi Ont des inclinations, éprouvent des émois, Et sous l’effet d’une pulsion de jalousie Celui-ci fut soudain pris d’un coup de folie : Il commença à croître, et faire bourgeonner Chaque branche et brindille, produisit mille pousses. Lorsque tous les fruits eurent éclos de leurs gousses Les pêches mûres ont fait fendiller le bois (Une pêche, en effet pèse plus qu’une noix !) Puis on vit peu à peu céder toutes les branches De sorte qu’à la fin, même la cime penche. En peu de temps, tous les fruits finir par pourrir Et le pêcher jaloux ne fut bon qu’à mourir.
On voit par cet exemple à quelle fin tragique Peut conduire l’envie, ce sentiment inique ; Constatons que parfois, si la compétition Est au cœur de certains, un principe d’action, Elle conduit aussi, lorsqu’elle est mal comprise Ou pire, conjuguée à la simple bêtise, À des rivalités aux effets désastreux Dont les victimes sont : jaloux et envieux.