Un jaloux voyait avec envie le pommier Que son voisin jardinier venait de planter. La loi stipule que les fruits tombés à terre Sont à celui qui, du sol, est propriétaire. Et comme il connaissait bien le droit et le code, Il conçut, en parfait voyou, une méthode, L'objet de sa convoitise, étant fort justement Très près de la haie mitoyenne, d'où son plan ! L'idée lui vint de faire pencher l'arbre de sorte Qu'une fois mûris, la plupart des fruits qu'il porte, Au moment de quitter le pommier nourricier Tombent dans son jardin, par simple gravité ! Il suffirait la nuit, de tirer des filins Pour incliner le tronc, les ôter au matin Cette déformation paraîtrait naturelle Et les pommes viendraient droit dans son escarcelle.
Le plan eut été bon, mais c'était sans compter Sur le beau sentiment, qu'on nomme loyauté. Plus le méchant tirait sur le tronc et les branches Afin, selon son dessein, que l'arbre se penche, Plus il affermissait la force des racines Car la nature a fait que les arbres s'obstinent A résister au vent et autres éléments ; Il s'ancrait donc en terre vraiment profondément, Assez pour que le sol offre une résistance Et, comme signe d'une secrète accointance, Et poussant le sous-sol, il augmentait l'écart Entre l'implant du tronc et le petit rempart Que la haie notifiait entre les deux jardins. Lorsque les fruits tombèrent, par un beau matin, Ils churent du côté du vrai propriétaire, Et le voleur envieux en eut la bile amère !